« Nous, Madame, on fait pas pleurer les enfants »

27 Jul, 2023

(à prononcer avec un bel accent du Sud de la France)

Une anecdote vécue il y a bien longtemps sur un marché de Camargue. La plus jeune de mes filles, qui devait avoir quatre ans, avait perdu ses lunettes solaires. Ça fait un bon quart d’heure qu’elle tourne autour d’un stand ou on en vend. Elle a repéré LA PAIRE qui lui permettra de briller tantôt à la piscine. Problème, elle coute six francs de l’époque et il lui reste quatre francs d’argent de poche. Négociation compliquée avec la maman à qui il faut bien avouer que les lunettes venues de Bruxelles ont mystérieusement disparu (sans doute la faute à un Gremlin farceur). La logique maternelle du « pourquoi donc ne fais-tu pas attention à tes affaires » s’oppose au besoin de disposer de l’accessoire de mode indispensable pour briller avec les copines. Enfin la discussion dure… jusqu’au moment où le vendeur qui a remarqué le manège et la place occupée par la leçon de bonne gestion devant son étalage, se saisit de la paire de lunette convoitée, et la donne à ma fille en prononçant la phrase en titre. Il refuse tout payement, pour libérer l’espace devant son stand.

Oh la mais le soleil, il lui a tapé trop sur la tête qu’est-ce qu’il nous raconte comme histoire ? Qu’est-ce que cela à voir avec l’aviation ?

Eh bien voilà, je me suis souvenu de l’épisode malheureux de cette maire qui avait supprimé les subsides aux aéroclubs de sa ville au prétexte que « L’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants ».

Cette attitude est emblématique de l’aviation bashing qui sévit de nos jours après le chemin de fer bashing au XIXe siècle ou le cat bashing au moyen âge (brulons donc quelques sorcières et leurs chats …).

Je ne reviendrais pas sur le rêve d’Icare qui est sans doute aussi vieux que l’humanité. Pas de chance Madame le Maire, il suffit d’aller sur n’importe quel meeting d’aviation pour se rendre compte que l’aviation fait toujours rêver petits et grands et que la courte vue d’une dame patronnesse dont on pensait l’espèce éteinte au XIXe siècle a autant d’effet qu’un moucheron qui s’écrase sur le nez d’un avion de ligne au décollage.

L’aérien reste bien dans les rêves des enfants et des plus grands.

L’aviation est depuis plus d’un siècle confronté à des multiples défis. Après plus vite, plus loin, plus haut, c’est se réinventer qu’elle est en train de réussir.

Pas un jour sans une annonce de progrès sur l’utilisation de nouveaux carburants plus respectueux de l’environnement, d’avancées dans le domaine du vol électrique, de projets d’aéronefs aux formes révolutionnaires qui iront peut-être moins vite mais qui irons sans doute « mieux » ou de nouvelles applications aux drones.

Même dans nos pays menacés par l’obscurantisme de Savonaroles nous promettant les pires malheurs (mais leurs prédécesseurs nous ont déjà promis la surpopulation, le péril jaune ou que le lait des vaches allait tourner à la vue de locomotives à vapeur lancées à pleine vitesse à trente à l’heure), il reste nombre de convaincus qui réalisent le plus vieux rêve de l’humanité et qui font aussi rêver les enfants.

Pas si loin dans le temps, quelle solution les empêcheurs de rêver en paix auraient ils trouvé lorsque l’aviation s’est adaptée pour transporter masques, vaccins ou patients lors de la crise du Covid ou pour lutter contre les incendies de forêts ? Des transports en bicyclette ou la brouette et l’arrosoir ?

Illustration : L’époque magique ou on pouvait rêver en paix : publicité de TWA des années 50, un ado rêve au passage d’un Constellation de la compagnie, « effaceur » d’océans et de frontières.