Il est des pays ou les crises les plus profondes, ces moments ou tout semble perdu, révèlent des talents hors du commun.
C’est certainement le cas de la France en juin 1940. Alors que le pays a subi la pire défaite de son histoire, des femmes et des hommes prennent tous les risques pour renverser la situation. Parmi ces personnes, de nombreux aviateurs. Certains se révèleront ensuite des raconteurs exceptionnels. Pierre Clostermann est certainement un de ces destins et conteurs exceptionnels.
Né en février 1921 au brésil, il est le fils d’un diplomate français. Son baptême de l’air en 1935 sur l’hydravion Lieutenant de Vaisseau Paris en fait déjà un personnage hors du commun. Au Brésil, il peut aussi rencontrer des pilotes de l’Aéropostale comme Jean Mermoz et Henri Guillaumet. Très tôt, il collabore au journal brésilien Correio da Manho. Il passe son brevet de pilote privé au Brésil en 1937 sur Bucker avec un instructeur d’origine allemande.
En 1938, il part à San Diego aux Etats-Unis, suivre les cours de la Ryan School of Aeronautics. Il en sortira en 1940 ingénieur en aéronautique et détenteur d’une license de pilote professionnel. Il arrive au Royaume Uni en 1942 après un périple par l’Uruguay le Brésil et l’Afrique du Sud. Lors de sa formation au Royal Air Force College de Cranwell il sera jugé Above average.
Début 1943, il rejoint le 341 squadron connu sous le nom de groupe de chasse « Alsace ». Grace aux as britanniques le Wing Commander Malan et le Squadron Leader Al Deere, il passe au 602 Squadron. En mai juin 1944, il participe à des réunions d’état-major pour préparer le débarquement et est interdit d’opération sur le continent pour éviter que des informations concernant Overlord tombent aux mains des Allemands. Il m’opérera au-dessus de la Normandie que fin d’après midi le 6 juin. Fin juillet, il est décoré de la DFC pour 300 missions et 11 victoires à la fin de son tour d’opération.
Après un séjour en état-major, il réussit à se faire affecter au 122 Wing malgré la décision du General De Gaule de lui faire interdire les vols de guerre. Il termine le conflit comme lieutenant de l'Armée de l'air française et est démobilisé le 27 aout 1945 avec 33 victoires. Fin juin 1945, il a été le premier pilote français à avoir piloté un avion à réaction. La citation attribuée au Général de Gaule « le premier chasseur de France » concerne Pierre Clostermann. Il poursuivra par une carrière de député et d’industriel. Il est élu député d’Alsace dès 1946 à 25 ans. Il sera membre de l’Assemblée nationale jusqu’en 1969. En 1956, il participe aux opérations en Algérie sur Broussard et sur P-47.
En 1962 il rejoint et dirigera la société des Avions Max Holste qui devenue Reims Aviation produira 5 000 avions de tourisme.
En 1948, Pierre Clostermann publie Le Grand Cirque : mémoires d'un pilote de chasse FFL dans la RAF aux éditions Flammarion. Ce livre révèle un auteur très doué et aurait même été qualifié « de seul grand livre issu de la guerre 39/45 » par William Faulkner. Le livre se vendra à plus de 3 millions d’exemplaires et fera l’objet de multiples traduction et adaptations. Lorsque Clostermann rencontrera Che Guevara, il aura la grande surprise d’apprendre de celui-ci que son professeur de français lui avait lire Le Grand Cirque. Suivront Feux du ciel en 1951 et un de ses livres que je conseille « Appui-feu sur l'oued Hallaïl « paru en 1960 au sujet de ses opérations en Algérie. Pierre Clostermann disparaitra le 22 mars 2006. Quelques temps avant son décès, il montrera encore toutes les qualités de son style suite à une polémique au sujet du nombre de ses victoires. Pierre Clostermann était titulaire de l’ordre des compagnons de la libération (21 Janvier 1946) et de très nombreuses distinctions.
On pourrait s’imaginer que le souvenir du « premier chasseur français » s’est estompé. C’est loin d’être le cas, une visite à la boutique aéronautique devrait vous en convaincre. Preuve qu’il en est que des périodes difficiles font apparaître des individus exceptionnels.