Et si demain, vous vous offriez le moins cher des warbirds ?
Vous pouvez déjà annuler votre rendez-vous avec votre banquier pour lui emprunter 3 trois millions d’euros. Vous n’aurez pas non plus besoin de passer trois mois à vous faire lâcher sur un Spit ou un Mustang. Votre assureur devrait aussi vous annoncer que la prime annuelle ne sera pas à 6 chiffres et votre pur-sang pourra même être entretenu et contrôlé en Belgique.
Enfin pur-sang…, il est sans doute temps de devenir réaliste, ce ne sera sans doute pas un avion avec une débauche de cylindre et ne pariez pas que vous gagnerez une course avec un Yak ou un 109, bien que certains pilotes allemands ont appris à leur dépens que battre cet «ourson » n’est pas si simple.
La naissance du Cub est déjà une saga. En pleine crise économique un businessman qui a déjà fait fortune une fois dans le pétrole et une seconde fois dans l’immobilier flaire le bon filon et/ou tombe amoureux de l’aviation (le point n’est pas tranché entre historiens). Il s’associe avec un ingénieur génial mais qui n’a aucun succès. La Taylor Brothers Aircraft Manufacturing Company propose plusieurs modèles d’un avion léger facile à utiliser et à coûts réduits. C’est exactement cela que William T Piper sent être l’avion idéal. Il commence par s’associer avec Clarence G. Taylor. Les premiers temps sont difficiles, Piper au risque de se ruiner continue à injecter ses dollars dans les modèles J1 et J2 qui n’ont pas plus de succès.
Après le départ de Taylor, le J3 devient un bestseller par sa simplicité et les
méthodes innovantes de vente de la société qui devient la Piper Aircraft corporation. Les vendeurs de la société viennent le lundi à l’usine, prennent un Cub et se posent près du premier hameau ou on peut poser un avion. Le vendeur fait des baptêmes de l’air, propose à ses passagers de prendre les commandes et vend l’avion. Affaire conclue, il retourne à l’usine prendre un autre Piper et recommence la manœuvre au village suivant. William Piper innovera encore en proposant à son personnel, ouvriers compris, de passer leur licence de pilote et de faire des livraisons en vol si plusieurs clients ont passé commande. A chaque étape on en profite pour faire la publicité de l’avion.
En 1940, l’armée de terre américaine est en conflit avec l’US Army Air Force qui lui impose des avions de liaison, d’observation et de réglage d’artillerie, chers, compliqués et qui ne répondent pas du tout à ses besoins. Certains des têtes pensantes de l’US Army ont appris à piloter (Patton, Eisenhower et d’autres). Pour les manœuvres de l’US Army de 1941, Piper, Stinson et Aeronca proposent aux militaires de mettre à leur disposition, gratuitement avec
les pilotes, des avions légers pour tester la coordination des opérations depuis les airs. C’est un succès total.
Le Cub, après bien des péripéties, s’en va en guerre lors de l’opération Torch en Afrique du Nord au sein d’unité d’artillerie (FA pour Field Artillery) et d’escadrilles de Liaison (LS) prenant l’air de porte-avion. C’est une telle réussite que pour les débarquements en Italie qui suivent, des Cubs décolleront de péniches de débarquement pour régler le feu des artilleurs et informer le commandement dès le début des opérations.
En Normandie des Cubs, avec un réservoir supplémentaire à la place de l’observateur, font la traversée depuis la Grande Bretagne et rejoignent d’autres Cubs arrivés en camion avec les premières vagues d’assaut sur les plages.
La bataille de Normandie va faire la démonstration des avantages significatifs que représentent le Cub. Empêtré dans un environnement de pâtures entourées de haies, l’artillerie est aveugle et ne peut apporter son soutien. Les Cubs atterrissent et décollent d’endroits que pratiquement aucuns autres avions ne peuvent utiliser et guident artillerie, blindés ou infanterie. Ils gagnent le surnom « d’œil de l’artillerie ». Les Stinson Sentinel, favoris de l’Air Force et bien plus sophistiqués, ont des trains fragiles qu’ils fauchent régulièrement à l’atterrissage, on les réservera bien vite au transport de VIP. Les Cubs
lorsqu’ils sont endommagés sont rapidement réparés même dans une étable avec les outils du forgeron ou du fermier local.
En Italie, les troupes allemandes ont déjà appris que tirer sur un Cub, n’est pas une bonne idée. La réponse est souvent une pluie d’obus. Leçon qui sera répétée au long de l’avance des troupes américaines jusqu’au cœur de l’Allemagne. Si le Cub « standard » n’est pas armé, un pilote fait monter des bazookas sous les ailes et une des dernières victoires aériennes du conflit en Europe voit un Cub forcer un Fieseler Storch à se poser à coup de Colt 45. Quand on vous disait que c’est un warbird.
En Aout 1944, le général Leclerc envoie un des Cub attachés à la 2e DB lancer un message sur la préfecture de police de Paris « Tenez bon, nous arrivons ». Alors que FFI, FFL et soldats américains livrent encore combat, des Cubs se posent sur les champs Elysées. (Un bon conseil n’essayez pas avec un Spit ou un Mustang sur les pavés d’époque).
Ce Cub militaire dont je vous parle n’est bien sur plus le J3 imaginé pour les vols de loisirs ou permettre à un fermier du Middle West d’aller vite faire les courses à la ville la plus proche. C’est le version L4, L pour liaison mais il ferra bien d’autres choses. Le Cub a été rebaptisé «Grass Hopper » par les militaires. C’est toujours un assemblage de tube et de nervures en bois, entoilé. Les parties vitrées ont été agrandies et l’avion peut emporter une radio. Pour
les premières versions militaires, il fallait choisir si on emportait un observateur ou la radio.Le modeste moteur de 37 hp est remplacé par des moteurs plus puissants. La dernière version du conflit sera le L-4J.
Un Cub dans le ciel est souvent aussi le signe avant-coureur de l’arrivée imminente des troupes américaines pour de nombreux belges et français. A ce titre, il est vraiment dommage qu’aucun Cub ne soit exposés dans un Musée consacré à la Deuxième Guerre mondiale en plus du rôle, qu’il serait trop long d’évoquer ici, qu’ils ont joués pendant la Bataille des Ardennes les jours ou rien d’autres sauf des Cub ne pouvaient voler. C’est un peu comme si on ignorait la Jeep Willys dans ces Musées ….
Si vous voulez en voir un vrai devrai, il vous faudra aller à Angers (un exemplaire abandonné par les américains lors de leur passage dans la région) ou sur certains terrains d’aviation ou des fanas du Cub en font toujours voler.
Le Cub du GPPA à Angers
En bannière OO-YOL le magnifique Cub de Guy Rasse basé à Temploux et un habitué des meetings en Belgique et en France.
L’aventure Cub ne va pas se terminer avec la fin du conflit. Entre les Cubs neufs en caisse ex militaires vendus aux surplus à des prix qu’aucun constructeurs d’avions légers européens ne pouvaient concurrencer et la production du J3 purement civils relancées chez Piper ou encore des L4 mis aux standards du J3, le petit monoplan de Piper repeuple les aéroclubs.
Il retournera au combat en Corée et en Algérie. La production chez Piper s’arrête en 1947 avec près de 20.000 exemplaires laissant la place à une version améliorée le Super Cub dont l’armée belge utilisera une centaine d’exemplaire. Le Super Cub restera en production jusqu’en 1988 alors que Piper a voulu à plusieurs reprises arrêter la commercialisation. Depuis des répliques de Cub sont disponibles montés.
C’est mieux qu’un warbird, c’est une légende comme le DC3.